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Trois heures du matin.......2200 m d'altitude...........

 Me voici comme chaque week-end du mois de Mai, et cela depuis bientôt dix ans, en pleine montagne, afin d'assister à l'un des plus beaux spectacles que la Nature puisse nous offrir :

les parades nuptiales du Tétras lyre.

Joyau de l'avifaune de montagne, le Tétras lyre encore appelé petit coq de bruyère est sans aucun doute l'animal dont l'observation est impossible en dehors de la période de reproduction. En effet à cette époque de l'année, les oiseaux ont pour habitude de se rassembler en des lieux bien déterminés de la montagne (appelés "places de chant") pour se livrer à leurs parades nuptiales.

La date de ces parades varie d'une région à l'autre. Suivant les régions elles débutent vers la mi-Avril pour se terminer vers la mi-Juin. Ces parades durent en général un bon mois et parfois plus, la période la plus active se situant au milieu de période.

Les "places de chant" sont des endroits bien caractéristiques de la montagne. Caractéristiques, car les emplacements choisis par les coqs pour parader sont toujours les mêmes d'une année sur l'autre, mais également d'une génération de coqs à l'autre. Caractéristiques, elles le sont également par leur localisation. D'une façon générale, les places de chant sont situées à la limite supérieure de la forêt, là où la pente se fait moins raide. Mais parfois des couloirs d'avalanche ou bien des clairières en pleine forêt peuvent être utilisés. La présence d'arbres, même de taille moyenne, est nécessaire car c'est une protection contre les éventuelles attaques aériennes de l'Aigle royal. Elles doivent également laisser dégagé de vastes espaces vers l'aval, afin de permettre au coq de bruyère de pouvoir plonger dans la pente à la moindre alerte. L'orientation des places de chant est généralement Nord, Nord-est, tout comme l'exposition du biotope du Tétras lyre.

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D'une humeur farouche et de surcroît très méfiant envers l'homme, l'observation du Tétras lyre à l'époque des parades nuptiales demande beaucoup de précautions. L'utilisation d'un affût est absolument nécessaire et son installation doit être effectuée bien avant l'arrivée des oiseaux. Les parades débutant avant le lever du jour, nos déplacements pour se rendre sur la place de chant s'effectuent donc à une heure où bon nombre de personnes sont bien au chaud dans leurs lits. Mais même si ces déplacements nocturnes sont parfois difficiles, le spectacle auquel nous allons assister en vaut vraiment la peine.

Au niveau morphologique, chez le Tétras lyre le dimorphisme sexuel est bien marqué. Le mâle a un plumage foncé aux reflets bleu nuit. A l'époque des amours, lorsqu'il parade, il remonte sa queue et l'étale en forme de lyre (ce qui lui a valu son nom) laissant ainsi apparaître des sous caudales d'un blanc éclatant. Pour terminer la palette de couleur, sa tête s'orne de deux énormes sourcils d'un rouge écarlate. Si la nature a doté le mâle d'un habit de gala bien visible, elle n'a pas eu la même clémence pour la femelle, la dotant d'un habit plus terne de couleur terre, qui lui assure par contre un mimétisme parfait lorsqu'elle sera sur son nid.

La participation des femelles aux parades est très réduite, même si elles sont présentes dans les environs de la place de chant, elles ne descendront dans l'arène que peu de temps. Passant d'un mâle à l'autre, faisant redoubler leur excitation, ce sont elles qui décideront du moment de l'accouplement. Une fois fécondées, elles s'en iront vers la forêt préparer leur nid, et laisseront ces messieurs s'épuiser dans leurs danses amoureuses. En effet, ce sont les mâles qui participent le plus activement aux parades; ce sont eux, qui de la fin de la nuit aux premiers rayons du soleil vont animer de leur chant d'amour les vallons de la montagne.

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Me voilà donc encore une fois dans mon affût à attendre l'arrivée des coqs .............4 h 30... d'ici peu le premier mâle devrait arriver ..... en effet un bruit sourd se fait entendre non loin de mon affût. Dehors la nuit est encore trop sombre pour espérer discerner quelque chose. Tout à coup un son bizarre, semblable à un jet de vapeur, perce le silence de la nuit. C'est le coq dominant qui vient de lancer son premier chuintement, un autre lui répond, puis un autre encore .... tout le vallon semble résonner de ces chuintements (les parades commencent toujours par des chuintements). Pendant un certain temps les coqs vont s'appeler ainsi, faisant de petits sauts sur place, battant des ailes comme s'ils affrontaient des ennemis invisibles, mais restant généralement chacun au centre de son territoire. Après cette période de chuintement vient le chant d'amour proprement dit: le roucoulement. Cou tendu, ventre au sol, ailes entrouvertes, vibrant de tout leur être, les coqs vont et viennent sur la neige décrivant de nombreuses arabesques. Les périodes de roucoulement sont entrecoupées de chuintements afin de rappeler sa présence à ses rivaux. Lorsque deux mâles arrivent en limite de leur territoire, ils vont commencer à s'affronter à grands coups de chuintements, puis vient le contact physique, les coqs se jettent violemment l'un contre l'autre en battant des ailes et en se donnant des coups de bec et de pattes. Ces combats ne sont jamais mortels, ils font parti du rituel des parades de la vie animale. Après chaque affrontement, chaque belligérant rejoint le centre de son aire.

Ce spectacle s'arrête généralement avant le lever du soleil. En effet au fur et à mesure que le temps passe, les coqs perdent de leur ardeur, puis les uns après les autres, ils vont se brancher dans les arbres environnant la place de chant et commencent à prendre "un petit déjeuner" bien mérité. Puis tout à coup les coqs s'envolent vers le profond de la forêt qui leurs assurera le couvert mais également le gîte jusqu'au lendemain matin. Mais lorsque les parades battent leur plein et que les femelles sont présentes sur la place de chant, il arrive que le spectacle se prolonge assez tard dans la matinée et nous pouvons alors assister à l'un des plus beaux spectacles que la Nature puisse nous offrir. Vision inoubliable que ces coqs paradant sur la neige ensoleillée.

Après cette fin de nuit exubérante, riche en évènements et en bruits, tout est redevenu silence autour de moi. Maintenant la place de chant est vide, il ne reste sur la neige que les traces, témoins des évolutions amoureuses des coqs.

Quiconque n'a jamais assisté à un tel spectacle ne peut comprendre la passion qui nous envahit tous les printemps, à pareille époque.

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